1882-2012 : 130 ans aux côtés des sapeurs-pompiers !

A l'occasion de ses 130 années d'existence, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France vous invite à (re)découvrir les concepts et moments clés qui l'ont façonnée, et font d'elle aujourd'hui encore le socle toujours plus vivant pour tous les sapeurs-pompiers. Chaque jour de la semaine, un fait marquant de son histoire vous est proposé.

jeudi 3 mai 2012

[ DEUX LOIS D'IMPORTANCE ]


« Vous voulez une loi, vous en aurez trois ! » (Charles Pasqua, Nancy, 1993)

C’est en ces termes qu’en 1993, lors du congrès national de Nancy,  Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, répondit au président de la Fédération, le colonel Bernard Janvier, qui sollicitait un projet de loi pour rénover le modèle français des secours.

En effet, sous les coups de boutoir du nombre d’interventions qui ne cesse d’enfler  (le cap des 3 millions d’intervention est franchi en 1993), le nombre des sapeurs-pompiers diminuant (197 000 volontaires et 23 000 professionnels en 1993), ce modèle a besoin d’être rénové. Pour les dirigeants de la Fédération, il faut une plus grande équité. Equité dans la distribution des secours et équité entre les sapeurs-pompiers eux-mêmes, les volontaires et les professionnels. En effet, la différence des moyens mis, entre les grandes collectivités urbaines regroupées en communautés urbaines, districts, syndicats à vocation multiples etc., et les petites  communes qui ont bien du mal à entretenir leur centre de secours, n’a cessé de s’agrandir en cette fin du XXe siècle, provoquant des inégalités flagrantes dans la distribution des secours. Ceux-ci relèvent pourtant d’une mission régalienne de l’Etat et par essence doivent être équitables sur tout le territoire. Ils ne le sont pas, non pas de la faute de l’engagement des hommes, mais bien de celle des moyens insuffisants qui leur sont donnés, et d’une organisation dépassée et inadaptée pour faire face à leurs responsabilités.
Il en est de même pour les hommes. Tous les sapeurs-pompiers français ne bénéficient pas des mêmes prestations. Si la loi du 31 décembre 1991 a, enfin, donné à tous les sapeurs-pompiers volontaires une même couverture sociale, en cas d’accident ou de maladie contractée en service commandé, il n’en demeure pas moins, que d’un centre de secours à l’autre, même quand ils sont voisins, certains volontaires perçoivent des vacations (indemnités) d’autres n’en ont pas ou n’ont pas le même taux, certains ont une allocation de vétérance d’autres pas. Ne parlons pas de la disponibilité qui, en fait n’est consentie pratiquement qu’aux employés communaux dans la journée, ou ceux qui peuvent la prendre parce qu’ils exercent une profession indépendante ou libérale. Ce n’est pas mieux pour les sapeurs-pompiers professionnels qui n’ont pas tous le même temps de travail et ne perçoivent pas les mêmes avantages statutaires, selon leur collectivité d’emploi.
Pour la Fédération, comme elle ne cesse de le réclamer depuis 1918, il faut d’abord changer le système communal, surtout sans toucher à la responsabilité des maires en matière de secours (pouvoirs de police), mais en confiant la gestion des secours à un établissement départemental. La départementalisation. Obligatoire pour tous et sans aucune dérogation  comme elle le propose depuis  1937 lors du congrès de Toulouse.  Ce nouveau cadre de gestion permettra alors à la loi, de comporter un volet sur le développement du volontariat en passant par d’authentiques progrès sociaux pour ceux qui s’y engagent,  la possibilité de bénéficier de disponibilité   pour intervenir et se former et d’avoir un texte statutaire ; et un autre volet sur l’harmonisation du temps et des conditions de travail des sapeurs-pompiers professionnels. Une rénovation fondamentale !                        
Dans l’esprit de Charles Pasqua, il s’agissait de trois textes de loi.  Mais très vite, l’administration centrale n’en prépara qu’un : exit le texte sur le temps de travail renvoyé aux décrets d’application, exit le texte sur le développement du volontariat jugé trop difficile !
Il en fallut du courage, de l’opiniâtreté , de la conviction au président Bernard Janvier pour parvenir à ses fins . Ses adversaires étaient nombreux à l’extérieur de la sphère des pompiers, mais à l’intérieur aussi, y compris au sein de son équipe rapprochée.
Il eut d’abord à convaincre l’Etat que la loi de départementalisation était un cadre pour rénover  l’engagement citoyen et non pas une fin en soi. Il interpella, lors du congrès de Montpellier, le nouveau ministre de l’intérieur Jean-Louis Debré dans un discours qui fera date « …dites-moi qui remplacera nos volontaires dans nos forêts, qui équipera une ambulance sur le plateau du Larzac, dîtes-moi quel sera alors le coût de la sécurité !... ». Il met en œuvre une nouvelle méthode de lobbying où les présidents d’union vont directement solliciter chez eux les parlementaires, à l’instar de Guy Morand , PUD 74 auprès de Pierre Mazeaud. Des aides appréciables proviendront de la représentation nationale. Comment ne pas mentionner l'aide inestimable apportée sur ce dossier, par le sénateur-précurseur Jean-Jacques Hyest. Et cela porte ses fruits.  En grand homme d’état Jean-Louis Debré a compris l’importance des enjeux et deux lois sont simultanément mises en chantier, l’une sur l’organisation territoriale, l’autre sur le développement du volontariat. Tout ceci dans le souci du respect des équilibres département-commune,  en réaffirmant  le principe intangible  du pouvoir de police des maires et en maintenant des corps communaux (corps de première intervention), quand ils existent, à côté du corps départemental.
 Il lui faut aussi faire face à une cabale interne, à la création d’une union nationale des chefs de corps communaux,  décidée par l’un de ses proches, à un lobbying intense de certains présidents et chefs de corps de communauté urbaine, pour exclure celles-ci de la loi (une seule voix de majorité au sénat réfutera cette proposition). Le président Janvier, avec l’équipe fédérale, surmonta tous les obstacles.
Le 3 mai 1996, les deux lois furent simultanément promulguées.  Elles allaient révolutionner  le volontariat  et l’organisation des secours. Il faudra beaucoup de décrets, d’arrêtés, de nouveaux textes, pour renforcer cette loi, dont on peut dire que les lois de 2004 et 2011 sont issues.  Les conséquences en furent innombrables. Elles allaient constituer les textes fondateurs d’une modernisation, sans précédent, de notre modèle français des secours !
Bernard janvier fut un grand visionnaire  et un grand stratège. Il pouvait passer le flambeau en ayant le sentiment, avec les pompiers de France, d’avoir donné les bases pour sauver notre modèle français des secours ! Un modèle unique !  A d’autres d’exploiter cette avancée historique ! Ses successeurs  n’y manqueront pas ! 

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