1882-2012 : 130 ans aux côtés des sapeurs-pompiers !

A l'occasion de ses 130 années d'existence, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France vous invite à (re)découvrir les concepts et moments clés qui l'ont façonnée, et font d'elle aujourd'hui encore le socle toujours plus vivant pour tous les sapeurs-pompiers. Chaque jour de la semaine, un fait marquant de son histoire vous est proposé.

vendredi 14 septembre 2012

[LES CORPS LIBRES]



Dès sa création, la Fédération avait demandé la réforme du décret de 1875 qui avait été pris sans la concertation avec les sapeurs-pompiers. Elle-le jugeait difficile à appliquer, déconnecté des réalités du terrain et pas suffisamment incitatif au recrutement.

Le 20 novembre 1903, le ministère d’Emile Combes prit un nouveau décret organique… mais une nouvelle fois, en dépit des promesses faites à la jeune Fédération, sans consulter les sapeurs-pompiers.

La Fédération eût pu être satisfaite car ce décret reprenait un certain nombre de ses demandes. Elle avait été entendue sur plusieurs points importants : l’engagement financier des communes porté à 15 ans, l’abaissement de l’âge d’engagement à 18 ans (au lieu de 21 ans), la possibilité de créer des corps intercommunaux et la confirmation de quotas de médailles, notamment d’un quota spécial pour la Légion d’honneur.

Pourtant ce décret mit véritablement « le feu aux poudres », c’est le cas de le dire et donna lieu à une page extraordinaire de l’histoire des sapeurs-pompiers.

Mais pour bien comprendre cette histoire originale connue sous le vocable de « corps libres », il faut se replonger dans le contexte de l’époque.

Pour faire bref, les sapeurs-pompiers français ne sont pas les héritiers de la révolution industrielle qui les ont conduits à un métier, à une profession par le processus de la spécialisation, mais ceux de la révolution politique française inspirée par les principes d’Universalité, de Modernité et de la garantie de la vitalité de ces valeurs : l’engagement citoyen.

Un engagement citoyen au niveau de la commune consacré par la loi de l’Assemblée Nationale sur les communes, votée du 16 au 24 août 1790.

Quand on a dit çà, on n’a pas mis pour autant le monde pompier dans une caserne. Ils ne sont que 8000 en 1815.

La France a besoin de centres de secours et d’hommes.

Le XIXème siècle sera une quête des communes mais aussi de l’Etat pour parvenir à obtenir le nombre de sapeurs-pompiers suffisant à la couverture des risques qui ne cessent de croître sous les effets de la révolution industrielle qui éclot après la fin du Premier empire et qui va peu à peu transformer notre économie paysanne en une économie industrialisée avec les phénomènes d’urbanisation, de quartiers bondés, à proximité d’usines à risques.

Les maires des villes importantes, mais aussi l’Etat sont attachés à ce développement.

C’est pourquoi tout au long du XIVème siècle, on va assister à une construction d’un système communal, simultanément à la volonté de l’Etat (qui revêt cinq régimes différents) d’encadrer, de surveiller, car il se méfie de ces hommes, les pompiers, qui émanent de la Nation, qui pratiquent un engagement citoyen spontané, et qui constituent des unités organisées et…armées (surtout en 1875 après l’épisode sanglant de la Commune en 1871).

La tentation est même souvent forte de les nationaliser et de les placer sous l’égide du ministère de la guerre.
Politique payante. En effet, qu’ils proviennent de pompiers communaux (dans certaines grandes villes de France) ou de pompiers issus de la Garde Nationale, les effectifs globaux montèrent pour atteindre 286.000 en 1870 puis après le départ des Lorrains et des Alsaciens, 182.000 en 1877, mais à nouveau 332.000 en 1914 (source Hubert Lussier « Les Sapeurs-Pompiers au XIVème siècle – Bibliothèque des Ruralistes l’Harmati en 1987).

Le décret de 1875 uniformisa les statuts en précisant qu’il n’y avait qu’une catégorie de sapeurs-pompiers : ils procédaient tous d’un engagement citoyen. Cependant, certaines communes déjà ne voulaient pas respecter toutes les exigences du décret sur fond de querelles politiques entre les différents partis.

C’est dans ce contexte que parut le décret du 10/11/ 1903, qui en dépit des signes favorables effectués à l’intention des sapeurs-pompiers de France catalysa un mécontentement de ceux-ci et des élus communaux.
En effet, le retrait du droit au drapeau à toutes les unités de moins de cent hommes, l’imposition faite d’accepter les officiers et sous-officiers provenant de l’armée, dans les rangs des sapeurs-pompiers au même grade que celui acquis fut vécue comme une humiliation par les sapeurs-pompiers de France ne voulant pas « d’un colonel ou d’un général prenant sa retraite dans son pays d’enfance à la tête de 15 braves bougres qui sur un cheval blanc ou noir les fera défiler … ! ».

La Fédération expose ses griefs à M. Combes qui n’y donna pas suite, en dépit de la promesse de réunion d’une commission extra parlementaire pour modifier le décret.Au contraire celui-ci reçut des commentaires de la part de M. RABANY, chef de bureau au ministère qui firent très longtemps autorité.

Les élus communaux eux (du moins ceux de l’opposition parlementaire …) s’opposèrent aux volontés de l’Etat de mettre la main sur les commissions d’admission où on prévoyait une majorité de sous-préfets et sur la nomination des officiers qui revenait au Président de la République avec les pouvoirs discrétionnaires de recrutement en dehors des rangs de sapeurs-pompiers.

Nombre de communes dirent non et créèrent des corps libres !

C’est-à-dire que pour échapper à la tutelle du préfet et du décret, les maires créèrent des unités associatives de « sauveteurs-secouristes » munis d’uniformes quasiment identiques à ceux des sapeurs-pompiers.
Ils intervenaient sous la seule autorité du maire, dans les missions de sapeurs-pompiers.

L’Etat depuis 1875 avait permis la création de sociétés de sauveteurs et de pompiers « privés » dans certaines usines. Mais là, ces « sauveteurs » des corps libres effectuaient d’authentiques missions du service public dévolues aux seuls sapeurs-pompiers telles que prévues dans le décret de 1903.

Il y eut deux batailles : la bataille juridique et celle du terrain dans certains départements.

Le Conseil d’Etat saisi, rendit en 1907 un arrêt concluant à l’illégalité de l’existence de ces corps libres puisque rien ne pouvait être fait en dehors du décret de 1903 qui ne prévoyait aucune exception.

Cependant en 1909, il compléta cet arrêté en inversant, comme souvent, avec subtilité la première décision puisque cette précision stipulait que le décret de 1903 n’interdisait pas des associations privées de se constituer pour poursuivre l’objet du décret.

Sur le terrain, ce fut quasiment de véritables luttes entre le préfet chassant les corps libres, les dissolvant pour port de « tenues irrégulières » quand celles-ci ressemblaient de trop à celles des sapeurs-pompiers et les maires. Cependant les sauveteurs voulaient être d’authentiques sapeurs-pompiers. L’aventure ne pouvait durer. Elle prit fin par le décret du 18 avril 1914, largement ouvert aux thèses de la Fédération, et mettant fin aux polémiques qui étaient nées d’une volonté d’encadrement trop stricte de la part de l’Etat.

Mais cette histoire était-t-elle vraiment finie ?

Ne renaquit-elle pas, comme un Phénix, de ses cendres, dans le sud-est de la France à la fin du siècle dernier sous l’égide des « centres communaux feux et forêt » dont certains comme dans le Var sont très nombreux.

Ces fameux C.C.F.F., constitués souvent d’anciens sapeurs-pompiers, gens du terroir, de la commune, bénévoles participent à la protection des forêts, en principe par de la prévention, de la surveillance. Mais eux-aussi, ils ont des tenues, des engins avec de l’eau, une lance, un réseau radio, des relations d’entraide entre communes et si dans l’exercice de leurs missions, survient un feu naissant, ils procèdent à son 
extinction !

Ils ne sont pas comme les corps libres du début du XXème siècle sur les mêmes missions que les sapeurs-pompiers, mais au nom d’une organisation spontanée de la population des communes, ils empiètent sur les missions des sapeurs-pompiers sans en avoir le droit, les compétences et les devoirs.

La loi du 13 avril 2004 qui ouvrait grand les portes des réserves communales ne parvient pas à mettre fin à ces centres. Cependant, l’obligation qui leur est faite de rester dans le strict cadre préventif est beaucoup mieux appliquée.

Mais ne vit-t-on pas, il y a peu de temps des « fanatiques » des feux de forêts,  acheter et retaper un vieux camion citerne feu de forêts, l’équiper et parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour proposer leurs services aux C.C.F.F. du Var ?

Ne doit-on pas non plus, mettre sur ces pratiques «contestataires » des communes à l’égard de l’Etat,  l’ouverture, à la fin des années 90, d’un centre de première intervention communal à Liévain, alors qu’il existait déjà un centre de secours procédant du SDIS, pour exercer, gracieusement au profit de la population les missions que le SDIS ne voulait plus exercer à titre gratuit comme le permet la loi du 3 mai 1996 quand il s’agit de missions ne faisant pas partie des secours règlementaires (épuisements d’inondations provoquées par négligence, destructions des nids d’hyménoptères par exemple !) ?

La liste pourrait être encore longue, de ces querelles jamais inachevées entre les communes qui entendent s’administrer elles-mêmes sans se plier aux contraintes édictés par un état fixant des règles générales, ce qui est logique dans une République Une et Indivisible.

Tout le long cheminement des sapeurs-pompiers de France est ainsi résumé, tous les obstacles aussi qu’ils doivent surmonter pour mettre au service de leur République, de son Intérêt Général, la richesse spontanée de leur engagement émanant de la Nation, tous les efforts qu’ils doivent consentir pour transcender leurs horizons communaux en Universalité de la France.

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