1882-2012 : 130 ans aux côtés des sapeurs-pompiers !

A l'occasion de ses 130 années d'existence, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France vous invite à (re)découvrir les concepts et moments clés qui l'ont façonnée, et font d'elle aujourd'hui encore le socle toujours plus vivant pour tous les sapeurs-pompiers. Chaque jour de la semaine, un fait marquant de son histoire vous est proposé.

mardi 7 août 2012

[ LES POMPIERS PLONGEURS, POISSONS DANS L'EAU ]




La Plongée Sapeurs-Pompiers en France

La noyade préoccupe depuis longtemps les autorités. Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 2 Prairial de l’An VIII (22.05.1799) relative aux « besoins des Hospices et Secours » rappelle aux Préfets leur importance pour le traitement des noyés… Il faudra cependant attendre le milieu du XIXe siècle pour que les premiers organismes constitués soient créés.
L’enseignement de la natation devient à la mode et pour les passionnés, le sauvetage apparaît bientôt comme une discipline complémentaire. Dans les villes « balnéaires » déjà à la fin du XIXe siècle les clubs de « Nageurs Sauveteurs » ou « Guides Baigneurs » voient le jour (Biarritz, Le Touquet…). En 1902 la Fédération Nationale de Sauvetage (FNS) récemment créée forme des « maîtres de Natation » ; lui suit la Fédération française de Natation et de Sauvetage (FFNS) ainsi que l’Association des Professeurs de Natation de France (APNF). Toutes ces associations vont contribuer à diffuser l’enseignement de la natation et du sauvetage.
Dès le XVIIIe, les sapeurs-pompiers « gardes-pompes » présents dans de nombreuses communes de France et donc, de part cette situation, proches du risque, ont été confronté aux risques de l’environnement liquide. En 1811, leurs missions sont reconnues dans le domaine de la « lutte contre les inondations ». En 1876, la réorganisation des « Corps des sapeurs-pompiers » définit, entre autres, la mission de secours en précisant que « c’est autour des Sapeurs-Pompiers équipés et entraînés pour le sauvetage dans les conditions les plus difficiles, que sont organisés les équipes de secours, renforcées de personnels auxiliaires ou spécialisés… ».

L’organisation des secours se structure ; mais il faudra attendre 1903, la promulgation du « Code des Communes » pour que soit instituée l’autorité des Maires en matière de pouvoir de police municipale lui faisant obligation de « prévenir et de faire cesser par la distribution de secours appropriés, les fléaux calamiteux et accidents de toutes matières ». Les corps de sapeurs-pompiers placés sous leur autorité constituent le moyen essentiel pour répondre à cette obligation.

Il a cependant été nécessaire pour les sapeurs-pompiers de s’organiser et de s’équiper pour répondre aux besoins des populations et entre autre pour faire face aux risques aquatiques. 
Dès 1924 à Paris et à Marseille, sont mis en place des Postes de Secours Mobiles spécialisés (PSM), ainsi qu’en 1939, dans les villes importantes de l’intérieur (Lyon…) et sur le littoral. 
Au cours du XIXe siècle, le principe des cloches à plongeurs s’est restreint à une enceinte n’englobant que la tête et alimentée en air depuis la surface grâce à une pompe et un tuyau.

En 1838, un officier des sapeurs-pompiers de Paris, le lieutenant-colonel PAULIN, s’intéresse à la plongée et dépose un brevet correspondant à « un appareil pour pénétrer dans les lieux infectés de peu de capacité et application au plongeur qui doit rester longtemps sous l’eau pour travailler…  ».
Le plongeur s’immerge vêtu d’une chemise et d’un pantalon ordinaires. L’alimentation en air se compose de deux soufflets et de deux corps de pompe : cet équipement fut très certainement expérimenté mais sans suite.
Il faudra attendre la fin du XIXe siècle et le développement du scaphandre à casque pour que les sapeurs-pompiers effectuent des interventions sous-marines. Le scaphandre à casque a été principalement mis au point et développé par l’anglais SIEBE. 

Les sapeurs-pompiers de Paris utilisèrent un scaphandre mis au point par un « chapelier et fabricant d’objet en caoutchouc », J.M CABIROL et présenté à l’exposition universelle de Paris en 1855. En 1860, un ingénieur des mines, Benoît ROUQUAYROL, met au point un appareil destiné à régulariser l’écoulement des gaz comprimés. Ce régulateur était destiné aux mineurs pour leur permettre de pénétrer en milieux viciés. Avec l’aide d’un officier de marine, le lieutenant de vaisseau Auguste DENAYROUZE, il met au point en 1864 un appareil de plongée donnant la possibilité à un plongeur de « porter sur son dos une capacité d’air comprimé et d’un régulateur lui permettant d’explorer rapidement pendant une heure et même deux heures, une grande étendue de mer… ». Cet appareil ouvre la porte à la plongée autonome ; il a été adopté par la marine nationale et a dû très certainement être utilisé par les sapeurs-pompiers de villes portuaires. Nous n’en avons cependant pas trace.

Au début des années 1940, des corps de sapeurs-pompiers se sont équipés de scaphandres « pieds lourds » en Seine et Oise, Pontoise et Villeneuve-Saint-Georges et Saint-Etienne dans la Loire. 

Les sapeurs-pompiers ont bénéficiés au cours de cette première moitié du XIXe siècle de techniques et moyens nouveaux, leur permettant d’évoluer en milieux liquides, et d’améliorer leurs champs d’action. Le commandant DE CORLIEU, réalise en 1925 une paire de palme favorisant la propulsion ; en 1934, le commandant LE PRIEUR met au point un scaphandre autonome comprenant une bouteille d’air comprimé, un manodétendeur relié à un masque facial ; il teste également un vêtement étanche. Cet appareil permet une immersion prolongée et une grande aisance. La pression de l’air est réglée manuellement au fur et à mesure de la profondeur. Les sapeurs-pompiers de France vont utiliser cet appareil. La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris le testera et en sera équipé ainsi que des corps de grandes villes (Lyon, Versailles…).

Le scaphandre LE PRIEUR ouvre la page d’une spécialité qui va se développer au sein des services d’incendie et de secours : « les hommes grenouilles ».
En 1937, Georges COMMEINHES, un ingénieur marseillais, met au point un appareil respiratoire à circuit ouvert et à débit d’air à la demande. Il réalise un appareil amphibie le « RC35 amphibie ». Il perfectionne son régulateur en 1945 (GC 42) et réalise un appareil dit « tous usages », terrestre et amphibie (GC45 et plus tard C58 et C60).

Les sapeurs-pompiers utilisent plus particulièrement le scaphandre « tous usages » COMMEINHES. Cette société, en effet, est déjà partenaire des services de secours, leur fournissant des appareils respiratoires à circuit ouvert à usage terrestre et des matériels de ranimation.
La mise au point en 1945 par le commandant COUSTEAU et l’ingénieur GAGNAN d’un détendeur automatique (le GC 45) constitue une avancée essentielle dans ce domaine. Ce détendeur adapté à bouteille d’air comprimé, le scaphandre Cousteau-Gagnan, ouvre le monde sous-marin au grand public. En 1946, la firme « SPIROTECHNIQUE » commercialise à grande échelle cet équipement et améliore le détendeur (MISTRAL) robuste et de conception simple. Des équipements nécessaires aux plongeurs sont également diffusés tels les vêtements en caoutchouc mousse, protégeant du froid, masque nasal, palme et ceinture de lestage.

Après le deuxième conflit mondial, l’essor économique favorise le développement des activités et des loisirs dynamisés par l’acquisition des « congés payés ». L’accès aux milieux aquatiques favorise, hélas, les accidents et les noyades mais la capacité à intervenir en des milieux est assurée à cette époque par peu de services publics. Les sapeurs-pompiers répartis sur tout le territoire national se voient alors pressés par les autorités. Les expériences locales sont encouragées. Ils disposent de nombreux « bons nageurs » et la commercialisation des équipements de plongée subaquatique leur ouvre des perspectives d’intervention. Ils sont en conséquence, sollicités pour des missions de plus en plus fréquentes (sauvetages, recherches de noyés, recherches diverses, dégagement des voies navigables, colmatages de brèches, travaux d’urgence, reconnaissances d’ouvrages…).

Les accidents de plongée, inconnus jusqu’alors, amènent les sapeurs-pompiers et leurs médecins à se former aux techniques de sauvetage et de traitement, bénéficiant des expériences et des conseils de la Marine Nationale. Certains centres de secours seront équipés de « caissons monoplaces de recompression » (Nice, Cannes, BMPM de Marseille). La première Instruction sur la plongée en scaphandre à l’air, rédigée par la Marine Nationale, est diffusée dans les services de secours en 1958 et sert de référence.

Les services d’incendie et de secours sont réorganisés au début des années 1950 ; le corps des sapeurs-pompiers placé sous l’autorité des Maires voit leurs moyens normalisés et leurs compétences mutualisées ; un service départemental est institué, dirigé dans chaque département par une inspection départementale des services d’incendie et de secours placée sous l’autorité des Préfets. Elles sont chargées de coordonner l’action des centres de secours et d’aider à leurs équipements et à la formation des personnels. 

Localement les initiatives s’étaient développées, résultant souvent du dynamisme de personnes passionnées et entreprenantes : par exemple les sapeurs-pompiers de Nice sous l’impulsion du lieutenant ARLOT, testent avec le « Marineland d’Antibes » les capacités de sauvetage des dauphins, construisent des mini sous-marins humides, emploient des équipements avec caméras étanches pour les recherches de noyés à des profondeurs inaccessibles aux plongeurs. Le service d’incendie et de secours de Seine-et-Oise se dote dès 1958, d’une équipe d’Hommes grenouilles dirigées par le capitaine MENUT commandant le corps de sapeurs-pompiers de Corbeil-Essonne, un des présidents fondateurs de la Fédération française des Maîtres-Nageurs Sauveteurs et crée une école de formation.

Les sapeurs-pompiers de Paris et les Marins pompiers de Marseille développent les équipes de plongeurs, le bataillon bénéficiant des équipements et techniques de la Marine Nationale leader dans ce domaine. Les spécialistes subaquatiques sont aussi formés dans les corps des sapeurs-pompiers des grandes villes (Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nice, Saint-Brieuc, Le Havre, Rouen, Nancy, Strasbourg…) et l’arrivée en métropole des sapeurs-pompiers d’Algérie (Alger, Oran) renforce les équipes de plongeurs et favorise la dispersion des affectations.

Toutes ces initiatives locales font l’objet d’une enquête en 1957, diligentée par les Préfets à la demande du Ministère de l’Intérieur et par la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France.

En 1959, le Service National de la Protection Civile organise un stage à Cap Brun dans le Var, rassemblant les principaux spécialistes des corps de sapeur-pompiers de métropole. Il s’en suit des directives concernant le règlement de cette spécialité au niveau national : « les scaphandriers autonomes légers de la Sécurité Civile ». Un diplôme est institué et délivré à tous les plongeurs formés localement et ayant subi avec succès des épreuves de contrôle.
A partir de 1960, le Service National de la Protection Civile en coordonne la maitrise. Il définit les bases de la spécialité en :
  • définissant le cadre général de la spécialité (sélection, formation, qualification et 
  • instituant une hiérarchie associée à des fonctions (scaphandriers, chef de plongée, moniteur),
  • donnant agrément des Centres de Formations répartis dans la région et confiant au Lieutenant-Colonel HOURCASTAGNE, inspecteur départemental du service d’incendie et de secours du Var, sur le site de l’île de BENDOR, la formation des cadres.
  • fixant les règles de pratique de la plongée subaquatique, de sécurité et les limites des missions.

Le ministère de l’Intérieur (SNPC), en dehors de la Marine Nationale, est la première administration à avoir élaboré des règles précises sur la pratique de la plongée subaquatique.
Les Services de secours développent aussi leur composante médicale afin de les adapter aux contraintes de ces activités et aux méthodes d’intervention. 
Au cours des années 1960, la plongée subaquatique se développe et plus de 300 scaphandriers et cadres sont formés chaque année. En 1964, le Ministère de la Jeunesse et des Sports crée un diplôme d’Etat de moniteur de plongée. Les sapeurs-pompiers titulaires du diplôme de moniteur de la Protection Civile se voient attribuer le diplôme d’Etat par équivalence (BEES 2).

En effet, les entreprises spécialisées en travaux subaquatiques sont encore peu nombreuses et le recours aux plongeurs des sapeurs-pompiers qui constituent une ressource qualifiée et répartie sur le territoire (ils sont 1950 brevetés en 1970) est fréquente sinon systématique. La pratique de cette activité et leurs interventions parfois effectuées dans des conditions difficiles, ne sont pas sans danger et en une vingtaine d’année (1950-1970) une vingtaine de sapeurs-pompiers ont payé de leur vie, l’exécution de leurs missions.
Les formations se sont également adaptées aux risques et missions (plongées en eaux chargées, toxiques ou corrosives, eaux vives, surfaces non libres et plongées spéléo, utilisation de mélanges gazeux, interventions avec vecteur aérien…).

Le Ministère de l’Intérieur, sur proposition de la profession, définit en conséquence une qualification de sauveteur aquatique adaptée aux caractéristiques de risques locaux (plans d’eau intérieurs, littoral océanique sableux ou rocheux).

Les Services Départementaux d’incendie et de secours disposent actuellement de plus de 3500 scaphandriers et près de 10 000 sauveteurs aquatiques.

Pour conclure, les avancées spectaculaires dans le domaine subaquatique sont dues essentiellement à la création :

  • du comité technique et pédagogique nautique national, qui se réuni de à épisodes réguliers, et qui a pour vocation d’analyser les nouveaux textes dans le domaine de la plongée relative aux travailleurs sous-marins, de les interpréter, et de les faire corroborer avec les activités subaquatiques des Sapeurs-Pompiers.
  • de la commission nautique de la FNSPF, qui recueille, analyse et traduit les différentes doléances des équipes nautiques de tous les départements. Cette commission est donc, une force de proposition au sein de la DGSCGC, puisqu’elle représente l’ensemble des plongeurs Sapeurs-Pompiers.
  • d’un réel Centre national de plongée au sein de l’ECASC, avec  des cadres et des personnels permanents, des encadrants sporadiques.
  • d’un véritable parc nautique, avec des bateaux dignes d’une réelle école nationale de plongée (investissement  d’un montant de plus de 1 million d’euros)
  • d’un parc matériel de plongée spécifique, qui permet de transmettre un savoir et un savoir-faire inégalable dans le domaine des recherches subaquatiques …

J.C.O. & J.A.

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