Qu’on ne se méprenne pas !
La part du feu dont il s’agit
n’est pas ce qui devrait être consenti au feu, parce qu’il serait une sorte de
Dieu-Terrifiant à qui l’on devrait faire des sacrifices ou plus prosaïquement
parce que le feu serait logique dès lors qu’il serait uniquement un débordement
inéluctable de l’activité humaine. La part du feu serait alors le décompte
morbide et sinistre, auquel on serait résigné, des vies humaines ôtées, des
habitations, des usines, des établissements publics détruits et des dégâts
occasionnés, du coût comptable et sociétal.
Ce serait une méprise odieuse.
Pour les Sapeurs-Pompiers, cette part du feu-là, elle doit être réduite à
néant. D’année en année, elle devrait diminuer jusqu’à être éradiquée, par tout
moyen à disposition en matière de prévision, de formation, de sécurité,
d’améliorations de l’organisation et des équipements des Sapeurs-Pompiers.
Il ne doit plus y avoir 800
morts horribles dans les immeubles d’habitation, chaque année ! La loi sur
les détecteurs autonomes de fumée est là pour essayer ! Plus de
catastrophes dans les dancings, les lycées, les cinémas ! La
règlementation est là pour y parvenir ! Plus de centaines de milliers
d’hectares de forêts, de bois, de maquis détruits par les feux ! La
prudence, la prise de conscience, les règlements sont là pour les réduire !
Le devoir des Sapeurs-Pompiers,
à cet égard, est bien de se mettre dans un principe de modernité, c'est-à-dire
d’année en année, de jour en jour, de tenir un double objectif de diminution du
nombre des feux et de contraction des coûts humains et matériels provoqués par
ses ravages, grâce à leur sens de plus en plus performant de leur engagement et
du progrès technique qu’ils mettent au service de cette recherche. Pour que
l’Humanité progresse ! Parce que l’Homme est le centre unique de leurs préoccupations !
Non « la part du feu », chez les Sapeurs-pompiers recoupent
un concept beaucoup plus noble. C’est la part que l’on laisse au feu pour être
sûr d’arrêter sa propagation. C’est très simple, et très, très compliqué à la
fois.
Autrefois dans les villes
médiévales où les maisons étaient faites de bois et de torchis et collées les
unes contre les autres, pour s’opposer à la propagation il fallait
« Saper » les éléments
assurant la liaison (toitures, poutres, murs). Parfois cela revenait
pratiquement à démolir les maisons voisines à celle qui était la proie des flammes,
pour éviter que toutes les autres ne brûlent !
Cette part du feu, elle existe
toujours dans tout incendie. Il appartient au commandant des secours à
déterminer les axes de propagation du feu et sur ces axes de prévoir quand les
Sapeurs-Pompiers seront prêts à s’y opposer certainement. Tout cela s’apprécie,
en conditions météorologiques (vitesse du vent) en quantités de matériaux
combustibles, en quantité d’eau nécessaire et en capacités d’alimentation, en
nombre et en heures d’arrivée des engins d’extinction, en positionnement des
lances, très important en positionnement de l’échelle (la grande échelle, outil
remarquable d’aide à l’extinction et d’opposition à la propagation). La
« part du feu » n’est pas la même, on s’en doute, quand il s’agit
d’un feu de bâtiment, d’un feu de forêt, d’un feu de raffinerie, mais elle
existe partout, dans tous les incendies du plus simple au plus important.
Longtemps cette appréciation de
la « part du feu » a été laissée au savoir-faire du Chef, à son nez. On reconnaissait son habileté à la
part qu’il laissait au feu : savoir s’opposer au feu, sans « pousser
le feu dans le dos » c'est-à-dire « être derrière » et courir
après, tout en lui laissant la plus petite part possible, juste celle de
« l’anticipation ». Aujourd’hui, dans nos écoles on apprend la
« MRT »la méthode de raisonnement tactique enseignée dans les GOC
(Gestion opérationnelle du commandement) 1, 2, 3, 4 et 5 selon le niveau de
commandement. C’est un excellent enseignement, l’un des plus aboutis de notre
école et une technique opérationnelle éprouvée dans tous les domaines. C’est un
excellent outil d’aide à la décision .Un moyen d’éviter de ne pas se tromper.
On apprend aussi la technique particulière des feux de forêt. On ne peut
s’étendre sur ce sujet, ce serait trop long pour cet article, mais souvent on
va essayer de bloquer le feu par terre, par air et même en projetant des hommes et du matériel en avant
du feu. Pour les feux d’hydrocarbure il faut se livrer à des calculs très
compliqués, s’aider de logiciels et d’abaques mathématiques, et savoir
maitriser la mousse (eau plus émulseur avec laquelle on éteint ce genre de
feux). Et ça marche !
Mais toutes ces théories ces
calculs, ne pourront jamais être que des outils pour aider la Décision. La Décision,
elle sera toujours prise par un Homme, doté du meilleur outil qui soit, son
cerveau qui pourra, en plus des paramètres techniques, prendre des paramètres
humains, humanistes qui comptent toujours plus que les autres. Le secours des
victimes prévaudra toujours sur l’extinction, l’intérêt humain toujours sur les
dégâts matériels, la valeur sentimentale toujours sur l’intérêt
économique ! il faut certes, un cerveau, il faut aussi et surtout un Cœur ! Et ça croyez-moi dans
toutes les poitrines des Sapeurs-pompiers de France bat un Cœur, beaucoup plus gros,
beaucoup plus dévoué, beaucoup plus aimant que n’importe quelle théorie !
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