Les
lois de 1790 et 1884 sur les communes ont ancré le secours au cœur des
responsabilités communales. Cependant, la distribution des secours est une
mission régalienne, c'est-à-dire effectuée, au nom de la République. Le maire,
investi par l’Etat de pouvoirs de police est le directeur naturel des secours
sur le territoire de la commune. Dans un
certain nombre de conditions précisées par la Code des communes, il cède cette
fonction au préfet. Cependant, pendant très longtemps, le gouvernement n’a pris
aucune responsabilité, en matière de secours, même quand il s’agissait d’une catastrophe d’ampleur.
L’extinction
des feux de la Commune nécessite l’appel par l’Etat de sapeurs-pompiers de tout
un très large cercle autour de Paris, placés sous la direction de représentants
du gouvernement. On y pût voir les
prémices d’une prise de responsabilité de l’Etat, s’il n’y avait eu ce contexte
de guerre civile qui constitue certainement la raison majeure de cette prise en
main.
Mais
quand il s’agit de grandes catastrophes, il n’y a rien, sinon d’organiser des
systèmes de bienfaisance pour les survivants. En mai 1902, l’éruption de la
Montagne Pelée rase de la carte la commune de Saint-Pierre, alors préfecture de
la Martinique et tue 28 à 30 000 personnes. La ville brûlera pendant 150
jours ! Il n’y a pas de secours ou
pratiquement pas. Il y aura bien une aide humanitaire internationale provenant
des Etats-Unis notamment, une collecte en métropole pour venir en aide aux
survivants mais aucun secours local, ni
métropolitain d’organisé.
La
prise de conscience de la responsabilité de l’Etat, se fera avec le concept de
Défense Passive, organisation de protection des populations civiles en cas de
conflit. Mais l’Etat ne perçoit pas l’utilité de la participation des sapeurs-pompiers.
Il faut beaucoup de force de persuasion de la Fédération, pour qu’après huit
ans de demandes motivées, le décret de 1938 verse les sapeurs-pompiers dans la
défense passive, en cas de conflit. Il s’agit d’un acte très important puisqu’il
s’agit de mettre en œuvre un concept selon lequel, ceux qui pratiquent les secours au quotidien seraient
les plus aptes à s’organiser nationalement pour porter les secours
exceptionnels, y compris pendant les périodes de guerre.
Heureuse
décision, tant le comportement des sapeurs-pompiers fut digne d’éloges, souvent
héroïque, à l’égard des populations civiles touchées par les actes de guerre (bombardements par exemple). Il
valut d’ailleurs la Citation à l’Ordre de la Nation de la Fédération !
Mais
là n’est pas le sujet. Celui-ci est dans le double processus entamé en 1938 et
toujours en élaboration : celui de la montée en puissance du concept de Protection
Civile , puis de Sécurité Civile comme responsabilité
de l’Etat, à laquelle, d’ailleurs, les
sapeurs-pompiers ont largement participé par l’intermédiaire de leur
Fédération, et celui de la participation des sapeurs-pompiers à la Sécurité Civile,
qui constitue pour eux, la reconnaissance de leur savoir-faire et de leur
engagement.
Et
les deux iront simultanément.
Ce sera toute l’histoire de construction avec
ses avancées, ses erreurs, ses hésitations, ses accélérations : l’histoire de l’article 12 du préambule de la
Constitution de 1946, donc de 1958, instituant la responsabilité de l’Etat dans
la protection des populations contre le risque civil ; celle des textes législatifs , la loi du 22 juillet
1987, celle du 13 août 2004 voulues par la Fédération ; celle des
compétences : catastrophes naturelles, catastrophes technologiques,
risques terroristes ; celle du concept de Sécurité Civile comme troisième
pilier de la sécurité des Français, d’égale valeur et importance des deux autres (Sécurité aux frontières,
Sécurité intérieure au titre de Sûreté)
les trois constituant la Sécurité Nationale, sans inféodation de la Sécurité
Civile à la Sécurité Intérieure comme d’aucuns le souhaitent ; celle du
ministère de tutelle, l’Intérieur en principe, mais l’Environnement,
l’industrie, la Santé et d’autres encore essaient d’en prendre le
leadership ; celle de l’instance chargée de cette responsabilité ; celle
des acteurs où jamais rien n’est nettement tranché. Souvent, l’armée, la
gendarmerie, la police, la santé élèvent des organisations concurrentes de
celle des sapeurs-pompiers sans en avoir, pour autant, la même puissance ,
la même compétence, la même expérience.
En
fait, la place des sapeurs-pompiers dans la Sécurité Civile renvoie à un débat
fondamental : en quoi un service qui ne dépend pas de l’Etat, peut-il agir
en son nom ? C’est tout le débat de l’autorité de gestion des sapeurs-pompiers que
depuis 1875, très régulièrement on veut nationaliser (la dernière proposition
de loi dans ce sens ne remonte-t-elle pas à 2011 ?) ou que depuis 1996 (loi
de départementalisation) des élus locaux gestionnaires veulent maintenir dans
le seul giron départemental, avec des pouvoirs de police conférés au président
du Conseil Général, en les excluant de toute tutelle de l’Etat. C’est toute la
tentation de développer des moyens humains nationaux (comme les unités
d’instruction de la sécurité Civile en 1974), ou de laisser des services de
l’Etat, comme en 2010 (armée,
gendarmerie, police) prendre la
direction des Etats Majors Zonaux.
C’est
toute la problématique de la compétence partagée : les mêmes hommes et
mêmes femmes agissant sous l’égide des autorités locales de l’Etat, sous la
gestion d’élus locaux, dans le secours de proximité et constituant l’essentiel
des forces de Sécurité Civile pour toute catastrophe sur le territoire national
ou international.
Un
concept éprouvé, efficace, parce qu’il
s’appuie sur 250 000 hommes et femmes, immédiatement mobilisables,
formés, expérimentés qui ne coûte que lorsqu’on s’en sert. Un concept envié
dans le monde entier ! Et pourtant combattu dans notre pays par certains
fonctionnaires technocrates de haut rang, aidés en cela par certains élus qui ont bien du mal à
quitter le cercle restreint de ce qu’ils croient être l’intérêt de leur
collectivité et par des acteurs de terrain de tout crin qui voient une image
beaucoup plus valorisante dans la Sécurité Civile que dans l’exercice de leurs
missions propres, qui ne peuvent pas concevoir que la Sécurité Civile, mission
régalienne dépende de l’engagement citoyen, c'est-à-dire de la Nation.
En
dépit des arbitrages favorables au plus haut niveau de l’Etat dont la preuve
immanente est bien la Constitution de la Direction Générale de la Sécurité
Civile en septembre 2011, la place des sapeurs-pompiers n’est toujours pas
assurée. Elle le sera quand le dossier de l’encadrement supérieur ( place des
officiers de sapeurs-pompiers dans le dispositif national) sera traité, quand
le maintien (et pourquoi pas le développement) du maillage territorial des
centres de secours, y compris des CPI (merveilleuses réserves de Sécurité
Civile) sera considéré comme vital , quand
tous les décideurs auront compris que les sapeurs-pompiers sont les
meilleurs agents de la fameuse Résilience du citoyen, quand tous les préfets de la République feront
appliquer la loi française sur le territoire de leur département en matière
d’organisation de secours, quand l’Etat, tout l’Etat accordera une authentique
reconnaissance à la valeur des sapeurs-pompiers et leur fera toute confiance comme le font 98%
des Français !
Ils
sont là les objectifs de la Fédération des Sapeurs-Pompiers de France, pour que dans
ce monde où les crises de Sécurité Civile se multiplient, la protection des
populations soit assurée avec compétence, expérience, humanisme en toute
Universalité !
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