Claudy Lebreton, président de l'ADF, lors du Congrès national 2012 à Nantes |
Depuis
le décret de 1875 une perspective départementale était ouverte à l’organisation
des secours. Depuis 1934, la Fédération demandait la départementalisation des
secours, pour qu’ils soient équitables et que leur qualité ne varie pas en
fonction des financements.
Le
mot est dit. L’histoire de l’organisation des secours en France n’est-elle pas,
en quelque sorte l’histoire de son financement ?
Les
sapeurs-pompiers, au nom des responsabilités prises sous le compte de
l’engagement citoyen se sont toujours investis de la recherche des financements. Ils
l’ont fait tous azimuts, faisant appel à des subventions des communes, à la
générosité publique, à des souscriptions etc. Les villes importantes ont peu à
peu financé totalement leurs centres de secours. Mais dans les zones rurales,
cette recherche des subsides a duré jusqu’en 2001 pour les corps jusqu’à leur
départementalisation et continue aujourd’hui encore pour les corps communaux ou
intercommunaux.
En
1925, la création du service départemental d’incendie en vue de défendre la
totalité du département, y compris sur les communes ne possédant pas de centre
de secours, entraina des cotisations
communales (la fameuse capitation, parce que calculée au prorata du nombre
d’habitants), et une redistribution de financements ou de moyens, aux communes dont
les centres de secours assuraient la distribution des secours pour le compte
des autres. Le Conseil général, souvent, y ajoutait une participation, qui au
fil du temps allait grandissante. Ce système de financements croisés (communal,
départemental, associatif –amicales subventions diverses-) avec des enveloppes
plus ou moins importantes et des compétences plus ou moins étendues d’un
département à l’autre subsistera jusqu’à la loi de 1996, dite de départementalisation.
Cette
loi allait dans le sens de l’histoire… des financements pour le moins. En dépit
du nom de « départementalisation » donnée à cette loi, la volonté du
législateur fut de conserver un équilibre entre les communes, auxquelles les
sapeurs-pompiers sont viscéralement attachés et le département, équilibre aussi
entre la gestion des secours confiée aux élus et la direction des secours
exercée par les Maires et le Préfet, au nom de l’Etat.
Ce
double équilibre fut difficile à préserver, et fit l’objet de très nombreux
ajustements, auxquels la Fédération participa parce que, chaque fois,
l’engagement-citoyen, pierre d’angle du modèle français des secours, en est l’enjeu.
Aujourd’hui le débat du financement est loin d’être clos et fait l’objet de
très nombreuses discussions et projets, notamment dans la perspective des
nouvelles lois de décentralisation.
Pour
participer aux débats, les élus gestionnaires s’organisèrent en association
nationale. Ce fut d’abord l’APSIS (association des présidents de services
d’incendie et de secours), puisque le SDIS (service départemental d’incendie et
des secours) était un établissement public, géré par un Conseil
d’administration élu. Cependant les Conseils généraux demandaient à être
considérés comme les gestionnaires des pompiers puisque peu à peu ils
devenaient les principaux financeurs des SDIS ; la loi dite démoprox du
27/2/2002, puis surtout celle du 13 août 2004 reconnurent très clairement que
le Conseil Général représenté par son président était le chef de file de la gestion des SDIS. Leur conseil
d’administration devait être constitué majoritairement de conseillers généraux
et son président était de droit le président du Conseil Général.
L’ ADF (Association des départements de
France) devint donc l’instance nationale représentative des élus. La loi de
2004 prévit d’ailleurs une instance nationale (la Conférence Nationale des
Services d’Incendie et de Secours), de concertation entre l’Etat, les élus et les sapeurs-pompiers (Fédération et Syndicats) présidée par un élu
, dont l’avis est conforme pour toute décision, concernant les SDIS, ayant des implications financières.
L‘ADF
devint donc le partenaire de l’Etat et de la Fédération. Depuis les relations
sont parfois tumultueuses, et beaucoup moins faciles à trois qu’à deux. L’ADF
en tant qu’instance représentant les gestionnaires redoute toute entente entre
l’Etat et la Fédération sur des textes normatifs, impliquant des conséquences financières,
sans qu’elle n’ait été saisie sur leur opportunité et sans qu’elle n’ait participé à leur préparation. La compétence
partagée (les sapeurs-pompiers gérés par les élus départementaux et mis à
disposition des autorités de l’Etat, et pouvant être utilisés par l’Etat dans
les opérations de Sécurité Civile) est au centre des débats.
La
Fédération, notamment a du apprendre à œuvrer et se concerter avec un nouveau
partenaire. Le président de l’ADF, à l’instar du ministre est invité au Congrès
Fédéral, et un temps fort du Congrès lui est personnellement consacré. Les
rendez-vous sont fréquents et confiants.
L’ADF de son côté, a du apprendre à entendre
les avis de la Fédération des sapeurs-pompiers, y compris, on le comprend bien
à la lecture de ces lignes sur le financement des SDIS qui ne peut être un
volet réservé aux seuls élus. L’avis de la Fédération sur l’importance des
cofinancements département-communes, sur la recherche de nouvelles sources de
financements (les assurances, la fiscalité additionnelle etc.), sur l’intérêt
de ce que rapporte l’action des sapeurs-pompiers en vies épargnées, en
emplois sauvegardés, en installations techniques préservées par rapport au coût
du service, sur une approche de coûts sociétale plutôt que comptable (l’action
des sapeurs-pompiers, par exemple en secours à personnes coûte beaucoup moins
aux contribuables que certains dispositifs très couteux supportés par la
Sécurité sociale), sur la préservation d’un intérêt politique, sociétal ,
sécuritaire majeur de TOUS les centres de secours, dont l’existence ne peut
être la variable d’ajustement des financements des SDIS, sans aller à
l’encontre de la dégradation de la qualité des secours, de la diminution létale
des réserves en cas de crise et des atteintes portées aux valeurs de la République
en faisant disparaître, quelle terrible responsabilité, le premier de ses
vecteurs, est totalement légitime !
Tout
fut une question de développer des capacités d’écoute, de compréhension
mutuelle. La qualité des hommes fit le reste, notamment grâce aux présidents Claudy Lebreton et Richard Vignon
qui mirent les relations ADF-Fédération sous le signe du respect mutuel et
de la confiance. Les résultats de cette entente à trois (Etat,
ADF, Fédération) ne se firent pas attendre. Citons entre autres, la gestion de la PFR
(prestation de fidélisation et de reconnaissance), l’arrêté du 14 octobre 2009
concernant les sapeurs-pompiers volontaires, la loi du 22 juillet 2011, les
décrets d’avril 2012 concernant les sapeurs-pompiers professionnels, la charte
des sapeurs-pompiers volontaires etc.
La
construction du modèle français des secours, comme les autres entreprises humaines
se fait au jour le jour, avec la bonne volonté des uns et des autres. Cette concertation
entre l’Etat, représentant le gouvernement, les élus locaux et un représentant
illustre des « états intermédiaires entre les citoyens et
l’Etat » est très représentative de
la démocratie française. Elle en est même la principale richesse et en
constitue le principal garant, comme le
remarquait Alexis de Tocqueville.
Le
modèle français des secours ne peut sortir que
plus solide, plus performant d’une concertation plus large, plus
approfondie, en dépit des difficultés accrues que ce dialogue nécessite. La synthèse
des avis des uns et des autres, bien représentative de l’Universalisme républicain,
a un prix d’efforts mutuels, d’intelligence, d’empathie, mais elle est
porteuse de progrès, d’humanisme en un mot
de Modernité, c'est-à-dire la marque du génie de notre peuple !
Les
sapeurs-pompiers de France sont fiers d’en
être des acteurs !
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