Par ailleurs, certains de nos plus illustres experts, témoins attentifs de la société et de ses évolutions, issus, pour la plupart des grands corps départementaux de la région parisienne, considèrent que le volontariat, tel qu’on le définit en montrant des sapeurs-pompiers d’astreinte, prêts à partir en équipes, pour sauver les autres, attachés à des valeurs traditionnelles, participant à la vie de leur amicale, distribuant les calendriers et fiers d’être membres de leur Fédération disparaissent, même s’ils concèdent que la situation évolue beaucoup moins vite dans certains départements ruraux.
La ligne fédérale de ces
dernières années, sans nier, ni exclure de son cadre de pensée ces évolutions,
s’est plutôt portée sur la promotion du concept de complémentarité entre
sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires, comme
originalité du modèle français des secours. Très schématiquement les sapeurs-pompiers
de France œuvrent sur la base d’un engagement citoyen, sur un territoire
commun, avec un même champ de compétences, les uns appuyant les fondamentaux du
secours, au-delà de leur formation de base sur une formation large, polyvalente
et sur l’expérience que confère la participation sur un grand nombre de
missions, les autres apportant en supplément à une formation technique de base
équivalente à celle des professionnels, la connaissance du terrain et toute la
pratique, l’expérience de leur profession exercée en dehors de leur activité de
sapeur-pompier.
La base fondamentale des sapeurs-pompiers français est l’engagement citoyen, issu des premiers temps de la Révolution et renforcé
pendant deux siècles par les lois et décrets successifs qui le rappellent
chaque fois avec force et vigueur. La loi du 22 juillet 2011 en est le dernier
exemple. Cet engagement citoyen, on l’a raconté tout au long des pages de ce blog, a pris de nombreux atours, se modifiant,
se transformant, sans forcément d’ailleurs faire disparaître les formes plus
anciennes. C‘est dire son extraordinaire plasticité. C’est dire aussi comment
les sapeurs-pompiers, enfants de la
Nation , membres de la société civile responsable, participent
aux évolutions de leur temps ! C’est dire combien ils sont acteurs d’une Modernité
immanente !
Elles sont innombrables les formes
de l’engagement citoyen : l’engagement spontané des garde-pompe des villes
dans la garde nationale en 1789, les sapeurs-pompiers soldés des corps communaux
en 1822, ceux très bourgeois de la garde nationale louis-philipparde en 1831,
les premiers pompiers à temps complet en 1875, les sapeurs-pompiers à titre
permanent et ceux qui ne le sont pas à partir de 1918, les officiers de
sapeurs-pompiers payés (et élus) par les Unions départementales pour être les
premiers inspecteurs départementaux dès 1905 (et pour certains jusqu’en 1955),
les sapeurs-pompiers professionnels communaux en 1953, les sapeurs-pompiers
volontaires « permanents » intégrés comme professionnels en 1992 et
1993, les sapeurs-pompiers volontaires reconnus le 22/7/2011.
Il y a les sapeurs-pompiers du
corps départemental, ceux des corps communaux (CPI), ceux en double, voire en
triple statut : professionnels – volontaires (14000) ; départementaux
– communaux (le pompier du corps communal qui monte des gardes au centre de
secours (corps départemental) voisin) ; départementaux-départementaux (à
cheval sur deux départements), les sapeurs-pompiers saisonniers partant en colonne préventive (pour les feux
de forêts) dans le Sud-Est ou faisant la saison hivernale en montagne ou
surveillants au bord de mer, de rivières ou de lacs ; les volontaires employés
comme contractuels etc.
Tous les départements ont un ou
plusieurs types de sapeurs-pompiers. Plusieurs types professionnels (quelles
différences dans les spécialités, le nombre d’interventions, l’occupation en
fonction des diverses affectations), plusieurs types volontaires (MM.
Dartiguenave et Chevrier du laboratoire du Mana Larès n’ont-ils point dénombré
quatre types dominants de sapeurs-pommiers volontaires (avec des sous-types)
dans l’étude qu’ils ont effectuées au moment de la commission ambition
volontariat en 2009 ?).
Le dénominateur commun de toutes
ces formes de l’engagement citoyen, c’est bien la volonté d’aider les autres,
de servir et de se donner. L’étincelle de la généreuse solidarité est toujours
présente à l’intérieur de toutes ces carapaces administratives, le feu ardent
de l’humanisme est la raison profonde, intime de cet engagement, fidèle aux
valeurs de la Nation
et de la République.
Et puis l’évolution sociétale est
toujours en marche… Dans un contexte où les collectivités n’emploient
pratiquement plus de sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires et parfois
ne remplacent même pas tous les départs à la retraite, où le volontariat ne
peut pas prendre sans risquer casser le ressort de l’engagement, supporter un
énième supplément d’interventions, se mettent en place petit à petit de
nouvelles formes de l’engagement citoyen. Ne voit-on pas dans de nombreux corps
de la région parisienne, du Sud-Est, dans des corps départementaux à forte
densité de volontariat (le nord-Est) des jeunes, quelquefois diplômés du
bac-pro sécurité civile, souvent anciens jeunes sapeurs-pompiers entrer comme
sapeurs-pompiers volontaires dans leur petit centre de secours, aller monter
des gardes dans le centre de secours principal voisin en attendant
(vainement !) pour la plupart d’être recrutés comme sapeurs-pompiers
professionnels ? N’y a-t-il pas de plus en plus d’agents de sécurité ou
d’employés « à poste » disposant de plages de repos leur permettant
de monter, comme volontaires, des gardes dans leur centre de secours ? Ils
sont disponibles, ils montent de très nombreuses gardes (souvent plus que des
professionnels), acceptent énormément d’heures d’astreinte, sont mobiles,
œuvrent dans plusieurs unités, sont mieux formés que quiconque sur les
fondamentaux grâce aux nombreuses heures de formation qu’ils suivent dans leur
garde ou astreintes, sont les plus expérimentés, notamment en secours à
personnes, parce qu’ils sont là, qu’ils partent les premiers en intervention
parce qu’ils n’ont pas de spécialités qui immobilisent dans des équipes dédiées
et qu’ils ont leur pratique professionnelle en supplément. Ce sont les
meilleurs !
Bien évidemment, ces pompiers
sont intéressés et font de leurs vacations un indispensable complément de
revenus (quand elles ne constituent pas leur gagne-pain élémentaire),
évidemment ils ont un comportement de plus en plus individuel, évidemment ils
ont une attitude de consommateurs vis-à-vis de leur amicale, de leur Union et
ignorent même qu’ils sont adhérents d’une Fédération !
Il y a même pis pour certains
d’entre eux, les plus jeunes, ceux qui acceptent un système les exploitant dans
le seul espoir de devenir professionnels parce qu’on leur en a fait miroiter la
possibilité, totalement illusoire comme on le disait plus haut. Au mieux, ils
quittent les pompiers après une dizaine d’années d’engagement profondément
déçus, au pis ils sont aigris et prêts à tout, jusqu’à suivre les sirènes de
certains syndicats de sapeurs-pompiers professionnels et à être les bras armés
de certaines actions « musclées » sans s’apercevoir qu’ils œuvrent à
l’encontre même de leur existence !
Mais ils sont là, par
l’adaptation aux circonstances, comme l’ont été d’autres formes en leur
temps ! Ces lignes ne sont pas écrites pour justifier ce nouvel atour de
l’engagement citoyen, ni pour reconnaître que les prévisions de 1995 ou les
sonnettes d’alarme tirées par nos experts depuis une dizaine d’années, étaient
exactes. Elles sont un constat, réaliste et implacable.
Elle est là aussi, pour rappeler
qu’il n’y aura pas de solution sans que les pompiers n’y participent, sans
qu’ils ne soient solidaires, sans que ne soit fort le creuset de leur solidarité que constitue
le réseau associatif de la
Fédération : amicale, union, entités nationales.
Plus les forces centripètes de l’évolution,
du changement, de l’adaptation iront vite et auront de puissance pour expulser
les hommes, plus les forces centrifuges des vertus de Fédérer seront
nécessaires et devront être fortes pour maintenir l’équilibre !
A tous de le comprendre :
les pompiers qui le vivent et doivent faire vivre leur amicale, leur
Union ; leurs chefs qui doivent faire ces efforts d’intelligence pour
faire progresser cette consubstantialité historique du modèle français des
secours entre le service opérationnel et
le réseau associatif ; les dirigeants de l’Ecole Nationale qui doivent le
transmettre aux stagiaires, comme l’essence même, de leur engagement ; les
élus gestionnaires qui doivent se déciller et tous voir, comme beaucoup d’entre
eux déjà, la chance inouïe que constitue la prise en mains de la responsabilité
des secours par les concitoyens eux-mêmes ; et les responsables de l’Etat,
y compris ceux de la haute administration qui manquent de pratique de terrain,
que le miracle du modèle français des secours repose sur cet équilibre !
Alors tous anticipons !
Alors tous anticipons !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire