Les sapeurs-pompiers ont une activité périlleuse (dangereuse, nous le disions hier). Leur engagement les a toujours conduits à intenter le maximum pour les autres. Des accidents nombreux en service commandé émaillent, depuis leur existence, leur activité, provoquant décès, invalidités permanentes partielles ou totales, entraînant derrière tout un cortège de drames humains en termes de perte d’emploi, de misère, de surendettement etc. dont souffre toute la famille du sapeur-pompier.
Les sapeurs-pompiers font partie de la société et sont en prise permanente avec son évolution. Depuis l’apparition de ce que la si engagée et émouvante Flora Tristan appela le « Prolétariat », l’histoire des XIXe et XXe siècles peut se concevoir sous l’angle des conquêtes sociales, de ce prolétariat pour revenir à un concept, un peu plus concret, de l’Egalité, si chère à notre idéal républicain. Cette conquête prit l’allure de luttes sociales longues, dures, conflictuelles. Elle prit, très souvent, aussi, notamment par l’intermédiaire du mouvement mutualiste, la forme d’une organisation spontanée de cette classe ouvrière pour pourvoir elle-même à son propre système de protection.
L’histoire de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires ne diffère pas de ce mouvement de fond. Eux aussi, se sont organisés, eux-mêmes, pour avoir leur propre protection sociale, avec certes leur Fédération, à l’origine de collectes nationales, de loteries pour subvenir aux financements de caisses de secours mutualistes qu’elle a créées tout au long de son histoire, de la fondation (quel beau mot qui doit être une promesse d’avenir concret et proche !) de l’Œuvre des Pupilles et de leur Mutuelle nationale, mais aussi à travers la création de près de 350 caisses mutualiste locales qui peu à peu depuis 1992 se fondent dans la Mutuelle nationale. Leurs amicales et leurs Unions départementales ont toujours consacré une part essentielle de leur budget, et bien évidemment aujourd’hui, plus que jamais, à l’entraide sociale, à des couvertures principales et complémentaires d’assurances. Cependant les sapeurs-pompiers volontaires savent bien qu’ils n’ont jamais eu, et n’auront, d’ailleurs jamais de patron (la loi du 21 juillet 2011 le clame bien avec force et vigueur). Ce ne sont pas des travailleurs. Ce sont des citoyens engagés, libres qui se donnent aux Leurs. Leur seul Maître est l’intérêt général la NATION. Leur seul chef est le représentant de la République (maire ou préfet agissant au nom de leurs pouvoirs de police). C’est donc à la Nation et à ses représentants, les élus locaux et l’état de pourvoir à leur protection sociale ! Les sapeurs-pompiers ont toujours eu profondément ancrée en eux, cette conviction que la Nation leur devait, en juste retour de leur engagement à son profit, de s’engager pour eux à les maintenir dans la famille « France » et à ne pas les abandonner, les laisser dans la misère quand le malheur frappait à leur porte, et à commencer par l’accident ou la maladie contracté du fait de leur engagement.
Oh certes, il y en eut des promesses, et même des décrets, mais ils ne furent jamais suivis d’effets. Certaines idées, comme le prélèvement sur les assurances incendie furent même servies, sans aucun scrupule, sans aucune mémoire, à plusieurs reprises, dans des sens différents et à des intentions différentes !
Et puis tout sembla basculé en 1945. Le Conseil National de la Résistance, pétri de l’idéal de fraternité républicaine, réussit à responsabiliser tous les acteurs de la vie économique de notre pays ! Patrons, travailleurs, état tous attachés à promouvoir une société plus égale, plus juste et plus fraternelle. L’une des conquêtes principales du CNR fut la constitution, reposant sur un bipartisme entre patrons et travailleurs, de la Sécurité Sociale. Une énorme, une formidable, une exceptionnelle création ! Un exemple de la Modernité ! On passait enfin, d’une conception de la couverture sociale basée sur la Charité, à une organisation sociétale, responsable, mise en œuvre par les citoyens eux-mêmes !
Plus tard, comme la République se veut Une, les agriculteurs, les travailleurs indépendants, les chômeurs rejoindront le système. Beaucoup plus tard, tout le monde pourra bénéficier de minima sociaux et d’une Couverture Médicale Universelle !
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les sapeurs-pompiers volontaires, sous le prétexte qu’ils n’étaient pas des travailleurs n’eurent pas droit à la Sécurité Sociale. On les laissa dans le système charitable, au bon vouloir des uns et des autres.
Un homme, profondément juste et humain, sachant très bien par ses origines familiales, la différence qu’il y avait entre Charité et Droits sociaux, Bernard Janvier, président de la Fédération, n’admettait pas, comme ses prédécesseurs, ce système basé sur la commisération, mais lui, il le trouva insupportable ! Et il jugea la situation favorable pour en sortir, ou plutôt il créa le rapport de forces nécessaire à faire aboutir cette très ancienne revendication des pompiers de France !
La grande manifestation du 1er décembre 1990, avait certes des objectifs, concernant les sapeurs-pompiers professionnels en quête de cohérence statutaire, mais portait aussi et surtout cette revendication concernant le volontariat. Le DROIT à une Couverture Sociale nationale !
Il fallut près d’un an, à l’équipe fédérale, pour négocier un texte avec l’Etat pour qu’un projet de loi fût déposé au Parlement ! Il fut voté le 31 décembre 1991 ! Il était temps et il fut particulièrement inspiré le colonel Janvier ! Déjà les politiques de rigueur avaient apparu et le système par répartition, si cher au CNR, faillait sous les coups de boutoir de la finance. Treize ans plus tard, pour l’autre grande conquête sociale des volontaires, la prestation de fin d’activité (prestation de fidélisation et de reconnaissance), les présidents Daniel Ory et Richard Vignon ne purent obtenir qu’un système par capitalisation !
Le législateur n’était pas allé (sauf pour les fonctionnaires publics territoriaux ) jusqu’à accorder les mêmes droits qu’en accident du travail, néanmoins, les collectivités gestionnaires (communes, plus tard les SDFIS) étaient enfin responsables de fournir aux sapeurs-pompiers une couverture sociale ; de vraies pensions étaient prévues pour les conjoints qui avaient perdu leur femme ou leur mari en service commandé ; les jours d’arrêt, pour accident en service commandé, étaient décomptés désormais d’une manière illimitée, sur un troisième tableau, en dehors des arrêts pour accident du travail ou de maladie ; des indemnités journalières étaient versées y compris aux chômeurs , aux travailleurs libéraux et aux étudiants. Les lois du 13 août 2004 (avantages des pupilles de la nation consentis, à minima aux Pupilles des sapeurs-pompiers, pour qui l’ODP faisait beaucoup, beaucoup plus) et du 21 juillet 2011 vinrent compléter le dispositif.
Une très grande conquête, essentielle, vitale, des sapeurs-pompiers de France, inspirée par un président d’un charisme et d’une foi incomparables !
Une conquête où ceux qui, émanant de la Nation, assumaient, au nom de Celle-ci la responsabilité du secours, étaient considérés, enfin !, comme des citoyens à part entière de la République, pouvant bénéficier des apports fraternels de l’intérêt général, autrement dit de l’ Universalisme républicain.
Enfin ! Ils entraient dans l’Universalisme républicain, eux qui étaient les garants de l’Universalité de la Nation !
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